LES CONGRÈS EUCHARISTIQUES EN VENDÉE
A l’occasion de l’arrivée en Vendée au mois de Juillet 2018 du nouvel évêque du diocèse de Luçon, SE Monseigneur François JACOLIN en remplacement de SE Monseigneur Alain CASTET, il nous a semblé opportun d’évoquer des manifestations religieuses qui se sont déroulées dans le département durant la première moitié du XXème siècle : les Congrès Eucharistiques.
Le Congrès Eucharistique se définit comme « un rassemblement de clercs et de laïcs en vue de l’évangélisation par l’adoration de la Sainte Eucharistie ». Il a pu ainsi exister des congrès internationaux, nationaux, régionaux ou diocésains. Certains des congrès internationaux se sont déroulés en France : en 1881 à Lille, 1888 à Paris, 1894 à Reims, 1897 à Paray-le-Monial, 1899 à Lourdes, 1904 à Angoulême et en 1914 de nouveau à Lourdes.
Challans 1904 : le début de la procession.
Plutôt que de Congrès il serait plus exact de parler de Pèlerinage Eucharistique parce que c’est bien une manifestation regroupant des pèlerins issus de différentes paroisses du diocèse qui se réunissent régulièrement dans un lieu à chaque fois différent dans le département de la Vendée.
La date de 1904 situe ces manifestations juste au début du contexte des lois dites anticatholiques de la IIIème République (interdiction d’enseigner, expulsion des congrégations, séparation de l’Église et de l’État, les Inventaires, l’affaire des fiches etc…) ce n’est sans doute pas une coïncidence. Il est logique que durant cette période où les milieux catholiques craignaient la reprise des persécutions religieuses de la Révolution Française, ils aient éprouvé le besoin de se regrouper et de se rencontrer.
Prévu initialement pour avoir lieu tous les deux ans, le rythme va s’accélérer à une fois par an jusqu’à la guerre de 1914: Ils auront ainsi lieu en 1904 à Challans, 1906 Rocheservière, 1907 Le Poiré-sur-Vie, 1908 Les Essarts, 1909 Les Épesses, 1910 Saint-Gilles-Croix-de-Vie, 1911 Saint-André-d’Ornay, 1912 La Garnache, 1913 Les Moutiers-les-Mauxfaits, 1914 La Gaubretière, 1934 Chaillé-les-Marais, 1936 Les Herbiers, et 1938 Challans.
Challans 1904 : la procession dans les rues.
Le premier congrès eucharistique diocésain de Vendée a donc eu lieu à Challans le 1er septembre 1904. L’organisation n’était alors pas encore rôdée, aussi la préparation était fortement inspirée de celle d’une cérémonie habituelle de la Fête-Dieu. Les décors en particulier lui avaient été largement empruntés. On y remarque en tête du cortège la présence de trois « Suisses » en grand uniforme de cérémonie avec la hallebarde et les draps de lit tendus sur la façade des maisons. Le succès espéré ayant été au rendez-vous, un second congrès eucharistique était prévu deux ans plus tard.
Challans 1904 : la messe dans la prairie.
Deux ans plus tard, le second congrès eucharistique vendéen a eu lieu le 17 septembre 1906 à Rocheservière. La messe était prévue dans le parc du château du Pavillon à proximité du bourg. Le décor a été sans doute le plus original et le plus intéressant des différents congrès. En effet c’est la propre façade du château avec ses tourelles et ses couronnements de toitures qui était habillée et décorée pour servir de retable à l’autel. Nous connaissons deux cartes postales différentes de ce congrès, toutes les deux réalisées par Henri Moreau photographe à Rocheservière : celle ci-dessous et une autre prise au même endroit pendant la messe. Le programme de ces journées est d'ores et déjà défini et restera le même jusqu’à la fin :
- Un accueil des pèlerins dans l’église et sur la place attenante ;
- Le départ d’une énorme procession du Saint-Sacrement, regroupant le clergé, les délégations, les associations et les paroissiens, se dirigeant vers une prairie avec des arrêts à des reposoirs ;
- Une grandiose cérémonie, avec messe, sermons et adoration du Saint-Sacrement ;
- Le retour de la procession et du Saint-Sacrement à l’Église ;
- Le pique-nique des pèlerins sur le site puis leur départ.
Rocheservière
1906 : la prairie avant la messe.
A partir de 1906, le succès et la fréquentation de ces pèlerinages devenant de plus en plus évidents, la périodicité est devenue annuelle. C’est donc le 17 septembre 1907 que s’est tenu le troisième congrès eucharistique au Poiré-sur-Vie. Pour la troisième fois les organisateurs ont préféré une paroisse, chef-lieu de canton située dans le centre-nord du département.
Le Poiré-sur-Vie 1907 : le départ de la procession.
Au Poiré-sur-Vie la présentation de l’autel est encore modeste puisqu’il s’agit d’une simple toile tendue au dessus du sanctuaire. En revanche la décoration des rues est devenue plus chargée et la foule est nettement plus importante. On remarque sur la carte postale ci-dessus quelques unes des magnifiques bannières des paroisses représentées ici. Il existe trois cartes postales de cet événement, toutes les trois réalisées par Moreau de Rocheservière. Outre les deux reproduites dans cet article, une troisième représente la prairie pendant la messe.
Le Poiré-sur-Vie 1907 : la messe.
Le quatrième congrès eucharistique s’est tenu aux Essarts le 1er septembre 1908, confirmant la volonté de les organiser dans le centre-nord du département, après les travaux agricoles de l’été et avant la période des vendanges. La messe était prévue à proximité du bourg dans le parc du château des Essarts chez le vicomte de Rougé. Cette fois-ci la façade du château n’a pas été utilisée pour la décoration, on a construit un grand ciborium dans la prairie qui sera réutilisé ultérieurement. Il existe deux cartes postales différentes de cette cérémonie, prises à peu près au même endroit et au même moment. Celle ci-dessous est signée « cliché Bezançon », l’autre est l’œuvre de l’éditeur E. Hatier.
Les Essarts 1908 : la messe dans le parc.
Le cinquième congrès eucharistique diocésain a eu lieu aux Épesses en 1909, dans une commune qui, cette fois-ci n’est pas chef-lieu de canton et est située dans le haut bocage du Nord-Est vendéen. Il a fait l’objet du premier véritable reportage photographique réalisé par le célèbre photographe Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre en une série de 4 cartes postales (N° 2461, 2462, 2463 et 2464) sans respect de l’ordre chronologique.
Les Epesses 1909 : la musique dans la procession.
Les deux cartes postales reproduites dans cet article représentent respectivement la musique dans la procession et le retour à l’église après la messe en plein air avec le clergé escortant le dais processionnel. Sur les deux autres on peut voir le clergé dans la première procession et la foule pendant la messe dans la prairie.
Les Epesses 1909 : après la messe le retour à l’église.
Le sixième congrès eucharistique s’est tenu à Saint-Gilles-Croix-de-Vie le 26 mai 1910. Ce qui constituait deux nouveautés puisque nous sommes cette fois-ci au mois de mai et sur la côte ouest vendéenne. Il existe au moins quatre cartes postales de cette cérémonie, éditées par Mademoiselle Divet, libraire à Croix-de-Vie, mais qui ne constituent pas une série. Il s’agit seulement de plusieurs vues de la procession et de la messe.
St Gilles-Croix-de-Vie 1910 : la procession.
Sur la première carte postale on apercevait le clergé local escortant le dais processionnel protégeant le Saint-Sacrement. On différenciait les chanoines reconnaissables à leur camail, les prêtres célébrant avec leurs chasubles blanches et les autres en surplis. La seconde, ci-dessous, nous montre la messe. Pour la première fois on a élevé un immense podium mais celui-ci fait encore un peu bricolage.
St Gilles-Croix-de-Vie 1910 : la messe du pèlerinage.
Le septième congrès eucharistique a eu lieu à Saint-André-d'Ornay (commune aujourd’hui fusionnée avec La Roche-sur-Yon) le 5 juillet 1911. Les organisateurs désiraient depuis le début organiser une manifestation au chef-lieu du département, position centrale en Vendée, mais la municipalité laïque de l’époque ne leur facilitait pas les choses. Aussi, ils se sont repliés vers une commune attenante, Saint-André-d’Ornay, avec la messe dans le parc du château de la Brossardière. Comme on peut le voir, le ciborium, déjà utilisé aux Essarts en 1908, a été réutilisé ici trois ans plus tard. Nous ne connaissons que la carte postale ci-dessus pour représenter cet événement.
St-André-d’Ornay 1911 : la messe.
Le huitième congrès eucharistique diocésain s’est tenu à La Garnache le 11 juillet 1912. Comme à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, le pèlerinage a désormais lieu au début du mois de juillet mais il est revenu dans le centre Nord-vendéen dans une commune du canton de Challans. Cette fois-ci le ciborium et le podium prennent de grandes proportions. Celui-ci a des allures de grand magasin haussmannien. Deux cartes postales seulement sont connues de cette manifestation, toutes les deux dues à Moreau à Rocheservière. Elles n’ont sans doute pas connu un grand succès commercial car elles demeurent rares.
La Garnache 1912 : le site de la messe.
Le neuvième congrès eucharistique a eu lieu aux Moutiers-les-Mauxfaits le 2 juillet 1913, dans le parc du château de la Cantaudière. Sans doute parce qu’il était complètement décentré par rapport aux autres, c’est vraisemblablement celui qui a regroupé le moins de participants. Trois cartes postales anonymes sont connues de cette manifestation mais elles sont très difficiles à trouver. En plus de celle reproduite ci-dessous, les deux autres représentent la messe et une rue décorée.
Moutiers-les-Mauxfaits 1913 : le retour de la procession.
Le dixième congrès eucharistique, le dernier de la première série, s’est tenu le 9 juillet 1914 à La Gaubretière, commune du canton de Mortagne-sur-Sèvre dans le haut bocage vendéen. Les fidèles s’étaient déplacés en nombre bien que l’inquiétude du risque de guerre ait été bien présente dans les esprits. Ici on avait fabriqué non pas un podium, mais un curieux ciborium construit un peu en forme de pagode chinoise. Il existe trois cartes postales anonymes de cette manifestation : une représentant le ciborium et une vue de la procession. La troisième, ci-dessous, représente le départ de la procession avec le Suisse et l’enfant de chœur crucifère
La Gaubretière 1914 : la procession.
Bien entendu le congrès suivant prévu en 1915 n’a pas eu lieu du fait du premier conflit mondial, de même que ceux de 1916, 1917 et 1918. Il a même fallu attendre 15 ans après l’armistice pour que l’on songe à reprendre l’organisation de nouveaux congrès eucharistiques et encore avec une périodicité de seulement deux ans.
Chaillé-les-Marais 1934, l’arrivée de la procession du Saint Sacrement.
Le onzième congrès eucharistique et le premier après la guerre de 1914-18 a donc eu lieu en 1934 à Chaillé-les-Marais. C’était une sorte de pari car Chaillé-les-Marais est situé totalement en dehors du bocage vendéen très attaché à la religion. Les cérémonies avaient lieu dans le parc du château de la Roseraie donné en héritage à l’évêché et qui en avait fait la maison de l’Immaculée, siège des missionnaires. Suivant les plans et les instructions de l’abbé J. Morteau on avait construit un grand ciborium de bois en forme de coupole avec des rangées d’arcades. Il sera désormais le seul utilisé pour tous les autres congrès. Le révérend père Martin sera ainsi le premier à prêcher dans ce site. Désormais un reportage, présenté sous forme d’un carnet de cartes postales détachables, est réalisé pour la circonstance. Malheureusement après la première guerre mondiale, ces cartes de couleur marron n’ont plus la qualité de celles de l’âge d’or.
Les Herbiers 1936 : le départ de la procession.
Le douzième congrès eucharistique s’est tenu aux Herbiers le 4 Août 1936. De très loin, ce fut le plus suivi avec la présence de 60 000 pèlerins et le plus complètement organisé de toute la série, sous la présidence du chanoine Cantin, curé-doyen de la paroisse. Il était géographiquement bien située dans une grande commune bien desservie tant par le chemin de fer Cholet-Chantonnay-Fontenay que par la ligne de tram à voie étroite vers La Roche-sur-Yon. La première carte postale ci-dessus, nous montre le début de la procession passant rue de Saumur. On y remarque le Suisse, l’enfant de chœur crucifère, les chanteurs et la chorale de la cathédrale de Luçon. A la fin du cortège les cordons du dais processionnel étaient portés par les parlementaires vendéens : Messieurs de Tinguy du Pouet, de Suzannet, de Kervanoel et Auguste Durand, ainsi que par le maire des herbiers Pierre Dabin et le Saint Sacrement par SE Monseigneur Gustave-Lazare Garnier évêque de Luçon.
Les Herbiers 1936 : la messe en plein air.
Passant sous de nombreux arcs de triomphe tous décorés d’une manière différente, la procession se rendit au nord de la ville dans le parc du château du Landreau chez la comtesse de Bermont d’Auriac. Durant le majestueux office le sermon fut prêché par le révérend père Girard. Cette importante manifestation avait par exemple nécessité la confection de pas moins de 200 000 roses en papier. Il y a été effectué au moins trois reportages de ces cérémonies sous la forme de carnets de 20 cartes postales, malheureusement de qualité moyenne.
Challans 1938 : le départ de l’église.
Le treizième et dernier congrès eucharistique diocésain a eu lieu à Challans le 7 juillet 1938. Autrement dit, l’aventure s’achevait exactement là où elle avait commencé en 1904, puisque la commune de Challans a été la seule à accueillir deux fois le congrès eucharistique. En réalité, la manifestation de Challans n’était pas prévue pour être la dernière ; une nouvelle avait été prévue en 1940. Bien entendu elle n’a pas eu lieu en 1940 ni pendant les années d’occupation où les rassemblements étaient interdits par les Allemands. Et à la libération les congrès eucharistiques n’ont pas été repris. Le dernier de Challans a lui aussi fait l’objet d’un reportage de 20 cartes, réalisé par les photographes Lollier frères à Léger.
Challans 1938 : la procession.
Cannes le 29 Juillet 2018.